S’annuler pour toujours
Il y a une conviction qui habite les femmes en manque d’amour; celle que nous les aimerons un jour pour ce qu’elles sont – ce qu’elles ont l’air – sans n’avoir rien d’autre à dire.
La quête la plus fréquente est celle qui ne coûte rien, même l‘amour ne fait qu‘au pire, se dire, mais surtout se montrer. Il se montre comme s’il était dû aux autres, mais pas de l’un à l’autre. Vivre dans un lieu propre devient une contrainte, une tâche dont la femme qui en fut longtemps assignée se dégage, comme si le rangement ne concernait plus personne finalement, comme si ce dû avait été mal reçu. L’homme aurait il échoué à aimer ? Ne sachant voir où est l’amour ? Ou est-ce elle qui n’eut su comment aimer ? De ce fait ses revendications ne seraient qu’une autre tentative d’être reçue et entendue, sans aucun sens à y retenir.
Nous devons quelque chose à celui ou celle que l’on aime et c’est de l’ordre de savoir aimer qu‘appartient d'en épargner à l’autre la culpabilité. Parfois, c’est un sacrifice, comme ces nombreuses femmes vouées à l’attente, face à un homme indisposé à satisfaire et exigeant d’être un objet de contrainte pour la femme, ce qui est réellement la quête de certains hommes: être imposant coûte que coûte, mais je ne crois pas qu’ils soient ainsi faits, je crois qu’il aurait fallu qu’une femme donne plus qu’elle n’ose attendre et se laisser faire.
Donner — non comme l’homme pense que cela se fasse — mais donner dans l’acte de soutenir le rien; non plus comme la femme attend souvent que quelque chose sorte et se dise, car l’homme n’a rien à dire, mais cela, elle l’ignore. Qu’elle agisse, c‘est de ça qu’il aurait eu besoin, qu’elle agisse sans attendre un rebond, mais en restant de marbre face à son inaptitude, pour qu’enfin : il soit aimé.
La femme, sinon — disais-je — se laisse faire, elle s’avoue sans le dire non plus, qu’elle ne supporterait pas un lieu où elle ne puisse plus en espérer un autre; elle attend, longuement, dans un plaisir qui l’a dépasse, qui lui permet d’être sans avoir à tenir de discours signifiant, mieux encore, en laissant à l’homme le devoir d’en comprendre quelque chose. Elle tient d’avantage à savoir comment elle est aimée qu’à être aimée, mais si elle veut savoir, ce n’est jamais entièrement; c’est l’implication d’un homme qu’elle retient, en entassant tout un lot d’hypothèses qu’elle ressert toute sa vie dans des cases qu’elle croit correspondre.
L’homme, dans une maitrise qui d’abord l’anesthésie, est d’une part incapable de lui répondre mais c’est qu’il croit bien faire « elle reste, donc elle m’aime », cela l’empêche de penser autrement, de penser à faire; il pense à comment empêcher que ça se fasse, pour ne pas qu’elle se retire. Il maintient imaginable, le rêve féminin, de ne faire qu’un.
C’est que même émancipée, la femme espère toujours après l’homme, c’est la qu’elle tient un discours non signifiant (au sens psychanalytique) mais provoquant : elle attend la réponse de l’autre, principalement la faille dans la réponse de l’autre, une faille qui lui fasse place. Elle pense aimer en bouchant l’amour, même avant, qu’il ne se dise.
Après tant de temps passé à raconter l’amour eut-elle été capable de le faire ? À t-on le droit d’imaginer que sans soutien, l’homme nous ait échappé ? Que la femme souvent prise comme façon d‘assurer sa puissance ait finalement raison de penser qu’elle est toute, toute représentante de la faille de l’homme qui voit avec les yeux d’une femme — il n’ose pas voir — mais voudrait qu’elle cesse de réclamer, ce qui finalement, est à elle.