Devenir disponible: Un chemin vers le calme

Nous pensons qu'existe ailleurs, une solution, contre le ciel lourd qui nous couvre aujourd’hui. Ce qu'il est pénible et insistant, quand il pleut sur mon sol que je refuse de voir éclore.

Avez-vous volé les cultures de ceux qui s’en croient dépourvus ? Que diront mes amis et ma famille, quand ils me verront si inquiet ? Il vaudrait mieux que pour une saison, le blé soit jeté au ciel ! Je prierai pour qu’il en soit rassasié et que plus jamais, il ne m’en quémande.

Nous nous sommes débarrassés de tout ce que nous pourrions nous prendre, et cela, bien avant d’avoir quelque chose à offrir. Nous avons accueilli, sans plus y réfléchir, tous ceux qui promettaient de rendre la terre qu’ils souhaitaient emprunter, et nous voilà sans rien, que d’objets qu’il nous faudra bientôt, rendre nous aussi.

Le bonheur comme la passion, et parfois le désastre quand il prend racine dans le corps comme un bouquet dans un vase, me fait penser à un monde dont nous ferions partie intégrante. Notre présence sur terre serait bien plus qu'accordée, elle nous serait due. Le bonheur est le désir d’un « Tout » qui nous unisse à ce qui a de plus infrangible et inscrive nos douleurs dans les souvenirs de la vie sur Terre.

Nous sommes l’imparfait, dans un univers plus qu’autonome, un imparfait qui refuse sa condition et exige au bonheur de venir la réparer.

Vouloir être heureux est une demande de faire partie de ce monde qui ne nous laisse de place que pour l’observer. De cette demande, à laquelle l’Homme ne peut se refuser, naît une somme qu’il sera impossible à rembourser.

Les plus riches d’entre nous usent d’un potentiel en admettant l’autre comme victime d'une condition qu'il est possible d'assouvir par des objets. Ils s’acquittent de leur dette en se faisant eux même détenteur du bonheur.

En me pensant victime, n’ai-je pas trouvé le rôle le moins exigeant ? J'attire le potentiel des autres sans me plaindre de l'insignifiance de mes rapports. Une victime a besoin d'un coupable, de quelqu'un qui l'a confronte à sa douleur en la niant davantage qu'en la soulageant. Vous ne pouvez pas vous montrer innocent, sans quoi vous n'êtes pour elle, qu'un concurrent, un autre oisillon qu'elle n'aimerai pas voir nourrit avant elle. Une victime ne souhaite pas être soulagée, sans quoi elle n'est plus victime : Elle est  souffrante.

Il m’est impossible de croire que la souffrance puisse se contenter du bonheur, il faudrait pour cela que en vous perdiez vos convictions, vos croyances et qu'un jour ait l'air suffisamment charmant pour taire tout ce qui vous faisiez sens.

Il n’y a qu’en se pensant victime de la vie et donc en autorisant l’autre à ne plus être un simple courtisan du bonheur, mais son potentiel détenteur que l’on se rend seul responsable du « prix à payer ».

Le monde n’a sûrement rien à m’offrir tout comme je tente souvent en vain de lui appartenir. Sûrement qu’être heureux n’est qu’une forme de sérénité avec sois même, avec une peine suffisamment grande pour pouvoir y vivre et suffisamment petite pour ne pas s’y perdre.

Une personne pauvre l’est t’elle par manque de moyens ou l’est t’elle par solidarité ? Je deviens solidaire en croyant au potentiel des autres, un potentiel que j’accepte de voir aussi comme une vulnérabilité, néanmoins, es ce qu’une majorité n’essaie pas justement d'en faire abstraction de ce potentiel, en croyant en un monde où tout serait figé, où il n’y aurait pas besoin de fournir quelque chose pour se sentir exister, mais à exiger. Il s’agit de mots que l’on déforme pour que nulle part n’apparaissent ce qui ferait tort à notre vérité.

N’est ce pas cela que nous recherchons et appelons couramment « bonheur », qu’il ne soit plus question de « plus » et de « moins », de pouvoir se recentrer dans un monde dépolarisé. Un monde où l’on ne parle plus de femmes et d’hommes, où l’erreur est dans le « trop » ni trop à droite, ni trop à gauche, pensons nous.

Le bonheur est là même l’inverse de ce qu’il prétend, en me confrontant sans cesse à ma division à mesure que ma demande envers la vie s’agrandit, pour former à nouveau des mots, des idéologies et concepts, me prouvant qu’il est impossible de faire sans. L’espèce humaine est-elle réellement maudite ? Coincée entre ciel et mer en subissant l’intempérie, avec l’idée d’une vérité qui défit l’attraction, se trouvant partout et nulle part.

Notre propre présence nous encombre et plus nous la craignons, plus elle nous fait payer, en diminuant nos récoltes quand nous avons peur de la pluie et quand le blé une fois fauché, nous fait douter de l’avoir vu pousser.

Il arrive un moment ou nos parents non plus l’air de héros, où les nuits passées sans vouloir dormir, sont celles où sans doute, les bons conseils ont tenté vainement de nous parler. Aujourd’hui les nuits sont courtes et ne nous disent plus rien, pourtant, je me souviens comme nous avions hâte d’être à demain. Nous n’avions pas besoin d’autant de mots, quand aujourd’hui nous semblons en manquer.

Il y encore nos sols, ceux que nous laissons s’appauvrir comme s’ils allaient s’engorger de la moindre fleur. N’est ce pas invraisemblable ? Comme si là ou nous choisissons de ne pas agir, existait dans ce vide quelque chose de plus grand que le résultat se risquant à être déplaisant. Aurait-il une raison de nous déplaire si nous nous rendions à nous-même entièrement disponible, si nous étions convaincus que ce résultat, cette action que nous produisons, répond à notre crainte et à ce qui nous tient trop près de notre peine ? Il faudrait en être convaincu suffisamment pour qu’il n’y ait pas un chemin qui croiserait le nôtre en nous faisant vivre ce que nous n’avons pas voulu dire. Aucun argument, ni aucune stratégie n’a le même prix que le sentiment de connaître ses craintes et de reconnaître l’autre comme n’étant que son miroir.